Pour les besoins de ma petite rédaction, mettons qu'il existe deux types d'otherkin psychologique : ceux qui deviennent non-humain suite à un trauma, et ceux qui sont non-humains à cause de dysphories, de dissociations diverses (shifts), de troubles de la personnalité...
Les seconds vont rester non-humains toute leur vie. En effet, la dysphorie et la dissociation sont des conditions fréquentes chez l'être humain. La plupart du temps il est aisé de vivre avec, dans le sens où il est possible de vivre avec malgré la souffrance que cela cause. Les médicaments peuvent aider, et seuls quelques cas extrêmes, pour lesquels la dysphorie et la dissociation proviennent de troubles plus profonds, vont être pris très lourdement en charge. C'est quelque chose avec quoi on vit, quelque chose qui fait partie de soi, et qui entraîne une identification non-humaine, et comme les troubles restent pour la vie entière, l'identité reste là aussi.
Reprenons les premiers. Ceux qui sont devenus non-humains d'un jour à l'autre suite à un traumatisme violent. Pour eux, l'identité non-humaine a de fortes chances de prendre une des formes suivantes : "c'est parce que je suis non-humain.e que je souffre" ; "puisque les humains sont comme ça je suis forcément PAS humain.e" ; "je ne suis rien, je suis un animal, je ne suis pas humain.e" ; et autres formes toutes basées sur un dégoût ou un refus de l'humanité, car cette dernière est associée uniquement à des choses désagréables.
Ces premiers ont besoin d'aide. Non pas parce qu'ils sont non-humains - au contraire, être non-humain est une béquille qui permet de les maintenir debout et en vie et qui allège la dépression et le stress post traumatique (j'ai dit allège, j'ai pas dit empêche ou efface) - mais parce qu'ils ont vécu un évènement traumatisant. Il est nécessaire, vital, que ces personnes soient prises en charge psychologiquement par rapport à l'évènement marquant. Malheureusement c'est très rarement le cas, la tendance des sociétés humaines étant honteusement d'étouffer l'affaire le plus possible, et d'oublier qu'il existe des moyens efficaces de soigner les gens. C'est tellement plus lucratif de vendre des médicaments et des séances de consultation pseudo-thérapeutiques pendant lesquelles on va détruire un peu plus la personne sous prétexte de vouloir l'aider ou la soigner. ça permet des revenus à long terme, peut-être sur toute la durée de vie du.a patient.e (jusqu'à son suicide...), alors que de soigner, si c'est bien fait, ça peut ne durer qu'un an ou deux.
Mettons qu'un.e otherkin psychologique, après des années à être non-humain.e à cause d'un traumatisme, se mette à se soigner sérieusement, avec des gens compétent ayant pour but son rétablissement et non un gain d'argent. Dans ce cas, qu'arrive-t-il ? Que risque-t-il d'arriver ? Le trauma s'estompe, les dissociations et dysphories qui lui sont liées disparaissent. Toutes les raisons d'avoir une identité non-humaine sont effacées.
Ne risque-t-on pas d'être à nouveau en phase avec son moi-humain, n'ayant plus besoin du moi-animal ? Ne risque-t-on pas d'oublier l'identité non-humaine, de l'enfermer dans l'album photo de son passé avec les posters des 2B3, d'Aqua et des Spice Girls ?
Mais, est-ce un mal, vraiment ? De ne plus avoir à fuir son corps, de ne plus avoir à fuir sa vie, de retrouver la paix intérieure et de s'accepter enfin tel.le que l'on est ?
Ou est-ce perdre un grand pan de son identité, comme le jour où on donne à Emmaüs ses robes lolita, ses sweatshirts Slipknot et ses sarouels parce qu'on est embauché.e dans une entreprise qui exige un costume-tailleur tous les jours ?
L'un ou l'autre ? L'autre ou l'un ? Quand on n'a strictement aucun besoin spirituel, il ne reste même pas ça pour vivre sa non-humanité, lorsqu'on est devenu non-humain suite à un trauma, et strictement suite à un trauma, et qu'il est possible de le soigner et de l'effacer. Lorsqu'il ne nous reste plus une once de dysphorie, pas un poil fantôme, pas la plus petite dissociation ni le plus petit shift, et qu'on n'a aucune croyance spirituelle accompagnant l'identité non-humaine, que devient le costume de l'animal ?
Il va rejoindre les posters des Spices, d'Aqua et des 2B3 dans un des cartons du grenier. Il est là, mais tant qu'on n'en a plus l'utilité, il prend la poussière au grenier.
C'est rassurant de savoir qu'il est encore là. Parce que, on ne sait jamais...